Le paradoxe du poisson rouge : Chapitres 6 et 7

Cela fait un petit moment maintenant que je ne vous avais pas écrit. Et bien voici aujourd’hui les chapitres 6 et 7… Et qui sont d’une incroyable synchronicité avec notre actualité… Bonne lecture !

Dans un monde de plus en plus complexe, incertain et mouvant, nous remarquons avec étonnement que les Chinois évoluent comme des poissons dans l’eau avec souplesse et succès. De cette constatation est né le titre de ce livre, qui nous permet de mieux comprendre l’âme chinoise.

Laissons-nous surprendre par cette culture…

CHAPITRE 6 – VIVRE EN RESEAU

« Les êtres et les choses n’existent qu’en dépendance les uns des autres. » (Bouddha)

Interdépendance

L’état d’Homme, d’être humain, s’acquiert dans la relation à l’autre en Chine.

« On ne naît pas homme, on le devient. » (Confucius)

L’important n’est pas tant ce que tu es ou ce que je suis, mais ce qui s’établit entre toi et moi.

Le concept de « personne », synonyme d’ego, a une connotation négative en Chine qui évoque la séparation et la différenciation.

En Chine le « nous » l’emporte sur le « je ». Non seulement on fait mieux à plusieurs que tout seul, mais on se sent aussi plus fort. Il en résulte une forte conscience collective. La solidarité est considérée comme la base de l’équilibre social.

Ce ne sont pas les individus qui fondent la communauté, c’est la communauté qui les fait exister en tant que tels.

Discrétion et ordre des choses

Effacement, discrétion, désir de ne pas déranger les autres font partie des valeurs prônées. Cela fait partie des règles et des usages de bienséance. Leur observance est considérée comme le garant de l’harmonie sociale.

Faire régner l’ordre dans la famille et sous le ciel est la norme de conduite et l’idéal pour les Chinois.

C’est bien plus important que la justice. Celle-ci juge moins l’individu et son délit que le niveau de désordre qu’il a introduit dans la société.

La source principale du mal-être n’est pas la culpabilité, comme dans la culture judéo-chrétienne, mais la honte, la crainte du jugement social, la peur de déshonorer sa famille.

Humilité et harmonie

L’harmonie, maître mot de la culture confucéenne, implique que dans un groupe personne ne se mette en avant.

« Le plus grand talent est de ne pas exhiber ses talents. » (Confucius)

S’effacer, ne pas s’imposer est la vertu suprême.

Pas de héros car la véritable efficacité est toujours discrète.

Celui qui ne se met pas en avant n’éveille pas la jalousie et donc diminue les conflits potentiels avec autrui.

Dans les organisations chinoises, la première qualité requise pour un dirigeant est d’être un homme discret, capable d’obtenir une adhésion spontanée de ses collaborateurs. Agir sans forçage ni tapage est le meilleur moyen de parvenir à un consensus sur un projet ou une décision.

Respect de la pluralité et consensus

L’exigence de discrétion comme gage d’harmonie sociale exclut toute discussion. Dans la langue, discussion et division sont homonymes. La discussion rend impossible toute entente entre les points de vue, tous également légitimes (vérité plurielle oblige : tout le monde a en partie raison). 

Mais, le plus grave encore, elle conduit à perdre la face dans la mesure où elle est inséparable de la critique. Or critiquer le discours de son interlocuteur est impensable : c’est l’humilier, lui faire sentir qu’il n’existe plus.

Le primat du groupe sur l’individu a un impact sur les décisions : toujours collectives et consensuelles. « Décider » en chinois veut dire épouser un processus qui conduit au consensus.

Le tout est plus que la somme de ses parties

La compétition est bannie, développant l’orgueil et l’arrogance, elle va à l’encontre de l’harmonie sociale. Seule la coopération constitue une valeur ajoutée : 

« Le tout est plus que la somme de ses parties. » (Tchouang-Tseu)

2+2=22

Fragilité = ouverture

Seule la coopération constitue une valeur ajoutée : encore faut-il être poreux, ouvert à la coopération.

« Seuls les pots fêlés laissent passer la lumière. » (Dicton)

La sagesse chinoise fait l’éloge de la fragilité : c’est dans l’échange que l’on change et progresse mais pour cela il faut ressentir une faille, un manque, une insuffisance. Ce sentiment crée un appel d’air, une sortie de soi, une curiosité d’esprit.

Les qualités yang que la culture occidentale privilégie (rapidité, compétition, affirmation de soi…) ne favorisent pas la relation. Or sans relation, rien ne peut se faire en Chine.

CHAPITRE 7 – RESTER CALME ET SEREIN

« Si tu es serein, tu peux surfer sur la vague. Si tu as peur, elle t’engloutira. » (L’esprit du zen)

Le calme est la vraie force

Plus l’esprit est calme et paisible, plus il voit large et profond et mieux aussi il peut vivre en harmonie avec les autres. La maîtrise de soi fait partie de la bonne éducation. Les émotions sont vues comme perturbatrices. Exprimer une émotion (joie ou peine) intempestive revient à perdre la face.

Il est impensable de se plaindre de sa vie dans la culture chinoise.

« Si tu as un problème et que tu n’as pas la solution à ce problème, c’est toi le problème. » (Confucius)

La paix intérieure comme chemin vers l’autre

« Paisible est celui qui a quitté la foire aux émotions. » (Dicton)

Pour Lao-Tseu comme pour Bouddha, la quiétude est l’indice de la qualité d’empathie déployée. Elle n’est pas le fruit d’un contrôle de soi mais d’un détachement. Il s’agit d’un repos intérieur qui n’a rien à voir avec l’indifférence ou l’immobilité.

Tel l’eau ou le ciel, toujours en mouvement et pourtant pur et limpide.

Le lâcher prise, que recommande Bouddha, ne veut pas dire laisser tomber, mais ne pas s’accrocher, ne pas s’obstiner, prendre du recul pour mieux ensuite épouser la réalité.

L’empathie se conjugue avec le calme intérieur et s’inscrit dans la durée.

Elle exprime la conscience de ce qui m’unit à l’autre, dans la joie comme dans la peine.

La notion de modération est fondamentale. C’est l’invariable milieu, l’axe, le pivot central, l’équilibre des extrêmes, l’harmonie entre des opposés, la position d’où il est possible de régner en maître sur soi.

« Qui élimine ses émotions vit, qui les garde en soi meurt. »  (Tao te King)

Le vide comme ressourcement

D’où l’importance de la méditation :

  • Retrouver de l’énergie car c’est fatigant à la longue de toujours penser
  • Voir la réalité telle qu’elle est et non plus à travers le prisme de ses désirs ou de ses craintes
  • Mieux exploiter son potentiel.

Méditer c’est faire le vide (de pensées = de désirs et de craintes). Le vide est l’espace de tous les possibles : c’est là où s’organisent les rapports entre les choses et où s’opèrent toutes les transformations. C’est la potentialité non encore réalisée.

De même que notre corps a besoin de s’arrêter de bouger pour se reposer, notre mental a besoin d’arrêter sa mécanique intellectuelle pour se ressourcer.

Le Tao te King rappelle que c’est le vide d’idées préconçues qui permet la relation. 

Lien corps-esprit

Pour la sagesse chinoise ce n’est pas la chair qui est faible mais le mental de l’homme qui, exaltant la sexualité, la pervertit.

Le corps est notre meilleur professeur. Il nous prévient, bien avant notre tête, par des troubles physiques, de ce qui ne va pas dans notre vie.

Toutes nos maladies sans exception sont psychosomatiques.

L’être humain étant envisagé comme un tout, l’opposition entre le corps et l’âme, l’esprit et la matière, ne se retrouve pas dans les écritures chinoises.

Le vide comme ressourcement et … fertilité

La méditation invite à être là, simplement là, pleinement attentif à ce qui est, à ne rien chercher. Non l’attente mais l’attention. Elle apprend à ne viser aucun but, à « laisser défiler ses pensées comme les nuages dans le ciel » sans les fuir ni les corriger, à être juste présent à ses sensations, à son souffle et à son maintien.

« Rectifie ta position, unifie ton regard et l’harmonie du ciel va venir à toi. » disent les maîtres zen.

Même juste la pensée est toujours conditionnée, « toujours vieille », car encombrée de souvenirs. 

C’est quand on a tout lâché, ses vieux schémas, ses attentes, ses peurs… qu’une aurore nouvelle peut se lever. La fonction cérébrale en effet une fois désactivée, l’intuition a alors le champ libre pour s’exercer pleinement.

« La Voie résidera en toi, quand tu ne seras plus à t’enquérir de la causalité et qu’enfin est tari le sempiternel et épuisant pourquoi des choses. » (Tchouang-Tseu)

Nous aspirons tous à ces instants privilégiés où l’on savoure pleinement notre présence au monde. Ils permettent de se connecter de manière plus intuitive et moins rationnelle à ce que nous sommes véritablement, à ce qui nous entoure et importe dans nos vies.

Le vide comme ouverture à ce qui est là, déjà présent

Remplacer nos points d’interrogation par l’émerveillement. Dès que vous êtes attentif à la nature elle devient votre maître et vous enseigne ses secrets.

L’homme moderne, en devenant un être pensant, s’est coupé du vivant. A constamment définir, analyser, expliquer, il ne se sent plus partie prenante de l’univers.

Il regarde le monde comme une série d’objets à étudier et laisse de côté tout un pan du réel. Sa vision est partielle, partiale et utilitaire.

L’intellect est certes utile mais, parce qu’il complique et surcharge, il a du mal à voir les opportunités offertes par la vie, incapable aussi de ressentir que dans les profondeurs humaines règnent la joie et la sérénité.

La joie se trouve au fond de chacun, dans « la grotte de notre cœur », où se trouvent le calme et le bien-être intérieur si ardemment désirés ; et tout ce qu’il nous faut pour que tout marche bien.

L’important n’est pas de rechercher la perfection mais la profondeur.

« Soyez à vous-même votre propre refuge, votre propre lampe. N’ayez pas de refuge en dehors de vous. » (Bouddha)

Parallèle Gestaltiste :

Nous sommes des êtres de relation

On ne peut pas ne pas communiquer ! Tout être humain aspire à être en relation avec ses semblables. Comme nous le mesurons en ce moment !…

La Gestalt est la thérapie de la relation. Elle s’attache avant tout à regarder ces liens qui nous unissent les uns aux autres car c’est là que réside toute la beauté et toute la souffrance de la vie.

L’accompagnement gestaltiste va guider chacun à se découvrir au contact des autres, car c’est en relation avec les autres que l’on apprend à se connaître et ainsi à mieux vivre ses relations, à mieux être en lien, à se sentir mieux dans sa peau.

Humilité et curiosité de l’autre

Chacun est respectable dans ce qu’il est, ce qu’il dit, ce qu’il agit. Nous sommes tous différents et tous valables. La posture gestaltiste tente d’adopter ce point de vue en cultivant une curiosité à l’autre, ce qu’il vit, comment il le vit, sans a priori, ni jugement, simplement parce qu’il est le mieux placé pour parler de lui. Le gestaltiste ira rejoindre son client dans sa réalité afin de l’accompagner à partir de là où il se trouve et pour aller là où il le souhaite, sans projet ni intention pour lui.

Le tout est supérieur à la somme de ses parties

C’est un des principes de la Gestalt-théorie qui stipule que l’Homme donne du sens aux éléments qu’il perçoit en leur « additionnant » un tout qui les englobe.

Nous sommes habitués à donner du sens, à voir plus grand d’une certaine manière, que ce que nous voyons réellement.

Cette recherche de sens fait partie de l’approche gestaltiste.

Et elle se conduit dans la coopération, nous l’appelons co-construction, entre le thérapeute et son client. La co-construction est une autre illustration du tout supérieur à la somme de ses parties : 1+1=3. On est toujours plus intelligents à plusieurs… C’est l’interaction qui fait grandir.

Se connaître au contact de l’autre

Le client est également accompagné à entrer en relation avec l’autre, le thérapeute toute d’abord, et les autres personnes de son environnement aussi. Car c’est ainsi qu’il peut évoluer, en allant se chercher au contact des autres. Et pour cela il fait également un travail d’acceptation de ses propres limites, ses propres failles, celles-là même qui lui permettront d’accepter le contact des autres, de recevoir (énergie féminine yin), ouvert à l’échange qui permet l’évolution. Tout organisme a besoin de contact avec son environnement pour évoluer. Ce cher corona par exemple…

Polarités et équilibre

Quand je suis calme et serein je suis plus à même d’être en lien véritable avec les autres. La recherche de la bonne régulation de ses émotions est donc l’un des axes de travail de la Gestalt. On cherche à identifier, comprendre et prendre soin de ses émotions, à les exprimer de manière adéquate. On va également explorer ses polarités : si je suis toujours calme, allons interroger la colère ; si je suis souvent gai, que dit la tristesse… Car nous contenons toutes ces polarités et il est important de les faire s’exprimer toutes afin de trouver notre point d’équilibre.

Vide fertile et ici et maintenant

Cet état méditatif, ce vide, « état de tous les possibles », dont il est question a de fortes similitudes avec le travail en Gestalt. Cet « ici et maintenant » qu’est la pleine conscience en méditation (pas de pensées, juste ce qui est) est le centre d’attention du thérapeute gestaltiste. Il accorde une attention toute particulière à ce qui s’y déroule et c’est sa matière première de travail avec son client. L’émotion perçue chez le client quand il évoque telle situation, le mouvement qu’il fait avec ses mains en évoquant telle autre… Il les relève, les énonce à son client pour « interroger » un sens éventuel, faire apparaître un fil à suivre…

Non jugement

Ce vide fertile est aussi cet accueil inconditionnel de ce qui est là, de ce qu’est l’autre en face de lui, de tous les potentiels de la situation qui sont alors ouverts. Cette ouverture permet de laisser le client cheminer vers le sens qui est le bon pour lui. Le gestaltiste se garde donc de toute interprétation ou analyse, il va plutôt proposer, reformuler, rester en curiosité afin de laisser à son client le soin d’y mettre son sens à lui. Il limite au maximum ses idées préconçues et a priori. C’est ce que l’on appelle l’épokè, ou le non jugement.

Et c’est lorsque l’on se sent accueilli dans tout ce que l’on est (avec ses bons et ses moins bons côtés), sans jugement, que l’on peut entrer dans une relation authentique, celle qui permet de se livrer, d’avancer sans crainte et de pouvoir ainsi progresser, évoluer.

Corps et âme… et même esprit !

La démarche gestaltiste est une démarche holistique, qui prend l’Homme comme un tout (là encore le tout étant supérieur à ses parties). Corps, émotions, esprit sont en lien permanent, ils dialoguent, interagissent et sont indissociables. Nous les écoutons donc tous tour à tour car ils sont autant de portes d’entrée vers le sens et l’évolution.

Les gestaltistes questionnent donc aussi le corps (quelle sensation pourrait être liée à ce mouvement des mains ? quelle image passe en même temps que cette expression du visage ?…) et le mettent parfois en mouvement pour le faire parler (expérimenter la distance physique entre deux personnes face à une difficulté de distanciation psychique par exemple).

Seul existe l’ici et maintenant

L’ici et maintenant permet également de mettre de côté les projections (désirs de futur) et les croyances (craintes du passé) afin de s’ouvrir à ce qui est présent, juste là, ce qui est ressenti, les intuitions, perceptions, images… Tout ce qui vient spontanément quand on se déconditionne de ce qui n’est pas présent là. Ainsi on cultive la capacité à voir ce qui est en nous, tels des guides vers ce qui est bon pour nous.

On lâche les pourquoi pour s’attacher plutôt aux comment. On est, plutôt que l’on fait.

Ainsi en ces temps où vous avez le temps… ne sentez-vous pas davantage de choses qu’avant ?